Cela fait, maintenant 4 ans que Lynn et Chris naviguent autour du monde avec leur Exploration 45. Auparavant déjà propriétaires d’un dériveur en aluminium, en 2014 ils décident de changer pour “un bateau conçu pour les hautes latitudes, gréé en cotre pour remonter au près, avec une capote rigide et un poste de barre intérieur”. Dans leur quête du bateau parfait, ils furent “très impressionnés” par leur visite du chantier Garcia et par l’essai effectué à bord du Garcia Exploration 45.

Le bateau répondait en tous points au cahier des charges que nous avions, le chantier pouvait s’adapter à toutes nos demandes.” La coque numéro 5 d’une longue série, HaiYou, navigue depuis 2015 de la France à la Norvège, puis vers des latitudes plus chaudes Canaries, Brésil. Enfin cap est mis plein sud, vers l’Uruguay, l’Argentine…jusqu’en Patagonie via les Malouines et Ushuaia.  Cap au sud à nouveau en Octobre 2018, ils “appareillent de Valdivia, atteignant la Terre de Feu et Puerto Williams mi-Décembre, et enfin l’Antarctique.”  Aujourd’hui, nous sommes ravis de partager avec vous leur dernière aventure.

Extrait du blog HaiYouSailing: https://haiyousailing.wordpress.com/

De glace et de roche

28 Février 2019

“97% de l’Antarctique est fait de glace… le reste ce sont des cailloux. La péninsule Antarctique s’étend vers le Nord sur environ 800 miles, mais la zone navigable se concentre sur les 300 miles les plus hauts. Plus au sud la glace devient trop impénétrable pour un petit bateau, les mouillages protégés sont rares, et la vie sauvage disparait.

Nous sommes arrivés sur le continent par les Shetland du Sud, jetant l’ancre tout d’abord à l’île de la Déception, puis reprenant notre route vers le Sud, protégés d’un côté par les îles de Barbant et Anvers et de l’autre par le continent. Nous sommes descendus jusqu’à la latitude de l’île d’Hovgaard où la glace nous bloqua.

Les glaces dérivantes étaient particulièrement nombreuses cette année, et augmentèrent alors que nous progressions vers le sud. En cours de route, les gros icebergs ne sont pas un problème car ils sont visibles, mais les petits growlers, de la taille d’une voiture, sont plus difficiles à voir lorsqu’il y a de petites déferlantes blanches alentour et ils peuvent causer beaucoup de dégâts en cas de collision. Ils peuvent facilement arracher un safran, ou votre hélice, ou même couler votre bateau s’il est en polyester. Alors que nous progressions vers le sud, l’accumulation de glace devint un vrai problème.

Nous avons eu des moments intéressants, voire tendus, en essayant de trouver notre voie à travers le détroit de Lemaire, lorsque la glace devint de plus en plus dense et que le courant commençait à tourbillonner. A l’endroit le plus étroit du passage, il y avait essentiellement de la glace, très peu d’eau libre et nous avons réellement dû nous battre pour nous frayer un chemin pendant quelques heures. Le bruit et le choc des impacts sur le bateau nous brisaient le cœur… Mais nous sommes passés et le bateau n’en garda que très peu de séquelles, à l’exception de quelques cicatrices sur l’antifouling et les nerfs en pelote du skipper et de l’équipage !

Le plus gros challenge que nous ayons eu à relever fut de trouver des mouillages protégés des glaces dérivantes. Le déplacement des glaces est imprévisible, dicté à la fois par le courant et par le vent. Les mouillages les plus sûrs sont ceux avec relativement peu d’eau pour stopper les gros glaçons, mais ils sont peu nombreux. Les mouillages les plus profonds nécessitent une veille des glaces la nuit. Nous avons dû nous déplacer plusieurs fois de nuit, une fois de toute urgence alors que nous étions menacés par l’arrivée d’un grand pack de glace qui aurait pu bous bloquer ou nous pousser contre le rivage rocheux. Avec 8 amarres à terre car nous attendions du vent, et Vera, le bateau d’amis, à couple, nous avons dû faire très vite usage de l’annexe et alors que nous relevions l’ancre, la glace commençait à s’attaquer à notre bordé. Nous progressons alors au moteur dans une semi-obscurité au milieu de morceaux de banquise menaçants et dans un vent violent, vers un abri relativement plus protégé.

Mouillage calme sur l’île Cholet… à l’exception du fait que nous ayons dû bouger au milieu de la nuit quand la glace à commencer à rentrer

Nous avions décidé de prendre un équipier supplémentaire pour ce voyage, ce que nous faisons rarement car nous préférons naviguer seuls tous les deux, Lynn et moi. Nous avons rencontré Javier, un apiculteur professionnel, sur le ponton à Ushuaia alors qu’il voulait tenter la navigation en Antarctique. Il s’avéra être un excellent équipier et une paire de bras très sûre à la barre, ayant régaté en dériveur à l’adolescence. Un équipier additionnel a apporté une réelle tranquillité d’esprit lors de la traversée du détroit de Drake, pour veiller sur les glaces, et mettre en place (ou retirer) les amarres à terre dans des conditions difficiles. Merci à lui.

Nous avons également fait la plupart du voyage en compagnie de Vera, un Swan 47 skippé par nos très bons amis Michael et Britta. C’était super d’être ensemble, mais aussi rassurant de savoir qu’en cas de problème il y aurait un autre bateau à proximité. Nous avons passé pas mal de soirées ensemble à regarder “Orgueil et préjugés” la série de la BBC. Un moment très agréable et parfait pour oublier les caprices de la glace dans le sud.

HaiYou s’est très bien comporté, et est parfaitement adapté à ce genre de situation grâce au poste de veille intérieur, la vision panoramique, la robustesse de la construction aluminium et la redondance de la plupart des systèmes.

Je peux raisonnablement dire que de la poignée de bateaux à voiles de notre taille que nous avons rencontrés navigant dans ces contrées, aucun n’était mieux équipé, tant niveau confort que pour la sécurité, que HaiYou. Mais ce voyage n’était pas une “promenade de santé”, et en tant que skipper j’ai senti le poids de la responsabilité de la sécurité du bateau et de son équipage dans cet environnement hostile, dans lequel des problèmes mineurs peuvent rapidement se transformer en situation critique. La pression était constante durant pratiquement les deux mois où nous étions dans le sud, sans répit car aucun mouillage n’était totalement sûr par rapport aux glaces, et elle n’a quitté mes épaules que quand nous nous sommes retrouvés en sécurité à Micalvi, en Terre de Feu.

Mais la vision de l’environnement vierge de l’Antarctique, éclatant au soleil ou oppressant sous la tempête, et la satisfaction d’avoir surmonté nos peurs, resteront en nous pour toujours. Lynn et moi sommes tous deux plus que jamais désireux d’explorer les endroits les plus reculés de ce monde… je suis un homme très chanceux !”